Du 4 décembre 2024 au 12 mai 2025, En piste ! Clowns, pitres et saltimbanques métamorphose le Mucem en un vaste chapiteau onirique. Sous la direction de Macha Makeïeff, metteuse en scène et plasticienne, cette exposition célèbre la fragilité et la grandeur des saltimbanques à travers plus de 600 œuvres et objets du quotidien. Elle vient réveiller en chacun de nous l’esprit d’enfance et le goût du merveilleux, des clés essentielles pour approcher ce spectacle immobile. Dans ce chaos inspiré, traîne une certaine extase : celle d’un lien profond entre les choses, les bêtes et les hommes. Un même destin saltimbanque.

Le Mucem, écrin des itinérances artistiques

« J’ai vu ce musée sortir de mer et de terre », se remémore Macha Makeïeff avec émotion, évoquant la naissance du Mucem alors qu’elle dirigeait le Théâtre de La Criée. Ce lieu, devenu une source d’inspiration inépuisable, résonne au cœur de son parcours artistique. Inspirée par la mystique du théâtre et façonnée par ses lectures de Jean Starobinski et Mikhaïl Bakhtine, qui ont marqué son adolescence, elle interroge ici la condition de l’artiste : cet équilibre fragile entre grandeur et précarité. À travers En piste !, elle célèbre ces figures à la fois lumineuses et vulnérables, tout en explorant la puissance évocatrice des objets qui les accompagnent.En fouillant les vastes réserves du Mucem, Macha Makeïeff s’est laissée guider par ses « coups de foudre », sélectionnant plus de 100 trésors pour composer En piste !. Parmi eux, des têtes de marionnettes en bois des XIXe et XXe siècles, des manteaux de clowns brodés de sequins, des costumes de scène et des bagages d’artistes. Ces objets modestes mais chargés de sens racontent les itinérances et les passions qui jalonnent ces vies de spectacle.

Un spectacle total

Macha Makeïeff a conçu En piste ! comme une expérience immersive et introspective, où chaque visiteur devient acteur de son propre récit. Le grand plateau du Mucem, avec ses 1200 m², est métamorphosé en une « géométrie passionnée de triangles, cercles et totems ». Ce spectacle immobile engage le public dans une déambulation où l’imaginaire prend vie. « Le côté cinétique sur lequel j’ai travaillé, c’est vous qui le donnez en vous perdant dans cet univers », confie-t-elle.La scénographie s’appuie sur une lumière théâtrale pensée par Jean Bellorini et une création sonore immersive signée Sébastien Trouvé. Les jeux de lumière sculptent les volumes, ajoutant une intensité à la fois dramatique et lyrique, tandis que les ambiances sonores plongent le visiteur au cœur de l’univers de la piste, entre murmures et éclats. Ça et là, des écrans diffusent des extraits de films iconiques tels que Les Ailes du désir de Wim Wenders ou Le Cirque de Charlie Chaplin, jouant sur des plongées et contre-plongées. Chaque angle de vue devient une nouvelle narration, une invitation à explorer cet espace à 360° où le réel et le rêve se rejoignent.

Une traversée théâtrale : des bonimenteurs à la grande nef

La traversée débute dans le vestibule du bonimenteur, un espace exigu où se mêlent des objets évocateurs. Parmi eux, deux œuvres prêtées par le musée des Beaux-Arts de Quimper, dont Bigoudènes devant des tréteaux de Simon Lucien, qui capture l’atmosphère d’une parade de cirque dans les années 1920. Autour d’elles, des costumes de Yanko, des œuvres colorées d’André Valensi et des praticables repeints, qualifiés de « ready made » par Macha Makeïeff, incarnent la richesse artisanale et émotionnelle de ces objets. Ce vestibule agit comme un préambule vers un univers où les empreintes et les rêves des artistes prennent vie.Passé le rideau, le visiteur pénètre dans la grande nef, pensée comme un immense chapiteau. « Avec trois pistes, parade, cagibis, stands et cahutes, loge et Nickelodeon plein d’images… » En chemin, on découvre des chefs-d’œuvre depuis les Ballets russes, jusqu’à des œuvres de Toulouse-Lautrec, Gustave Doré, Agnès Varda ou encore Gérard Garouste avec La Duègne et le pénitent. Les mots d’Ingeborg Bachmann résonnent comme un écho lyrique : « Toute personne qui tombe a toujours des ailes. »

Le dialogue entre grandeur et fragilité

Partout, œuvres majeures et objets modestes tissent un dialogue continu. Le Portrait d’Arlequin de Picasso côtoie la Nana noire upside down de Niki de Saint Phalle, posée telle une trapéziste en équilibre. Non loin, le Petit travelling printainer de Pierrick Sorin rend hommage à Jacques Tati, tandis que des costumes de clown exposés comme des habits de lumière brouillent les pistes avec la haute couture. « La haute couture et la scène se répondent sans arrêt », souligne Macha Makeïeff. Plus loin, des trapèzes usés jusqu’à la corde témoignent de la brutalité et de l’usure du monde de la piste.

Les loges, quant à elles, chuchotent les fragilités des artistes après le spectacle. « Quand le saltimbanque est tombé, s’est blessé, ou que la voix de la chanteuse l’abandonne, il reste dans le costume jeté ou le soulier oublié la trace d’un déchirement, d’une fragilité infinie », raconte Macha.

Dans cette grande mise en lumière, des figures atypiques émergent, comme Annie Oakley, surnommée « la petite femme au tir sûr », vedette des spectacles de Buffalo Bill, capable de toucher 4 472 des 5 000 boules de verre jetées en l’air !

Une célébration de l’imaginaire et de l’éphémère

L’exposition bénéficie de prêts prestigieux d’institutions telles que le musée d’Orsay, le Centre Pompidou, le Mamac, ou encore le musée national Fernand Léger. S’y ajoutent 170 pièces issues de la collection du Dr Alain Frère et 32 aquarelles inédites réalisées par Gérard Traquandi. Ces œuvres dialoguent avec les objets du Mucem, abolissant les frontières entre art et artisanat.Dans une séquence finale, une roulotte tzigane diffuse un extrait du Septième Sceau d’Ingmar Bergman. Cette partie d’échecs, emblématique du cinéma, entre un chevalier et la mort, nous rappelle qu’au fond, seuls survivent les personnages à l’image d’Arlequin ou de Polichinelle. « Se perdre dans cet imaginaire, c’est répondre à son propre imaginaire », conclut Macha Makeïeff. Une invitation à retrouver en soi cet enfant, (encore) capable de regarder le monde avec émerveillement.

Autour de l’exposition : une programmation festive et immersive

En piste, les minots ! Du mercredi 18 décembre 2024 au dimanche 5 janvier 2025, le Mucem invite les plus jeunes à découvrir l’univers du cirque et des arts forains à travers des spectacles, visites et ateliers spécialement conçus pour eux. Des créations poétiques et ludiques comme Le Roi du cirque (mercredi 18 décembre à 15h) ou Dark Circus (dimanche 29 décembre à 15h et lundi 30 décembre à 10h30 et 15h) rythmeront ces vacances festives. De novembre 2024 à mars 2025, la série Pulsations ! animera les week-ends du Mucem avec des spectacles, concerts et ateliers inspirés des traditions populaires et de la figure du saltimbanque. Cette programmation, imaginée en collaboration avec la Cité de la Musique et la Biennale internationale des arts du cirque, mettra en lumière des artistes issus d’univers variés : danse, musique, arts de rue ou arts du cirque. Une saison riche en rencontres et découvertes, en écho à l’univers poétique et nomade de l’exposition.

En piste ! – Exposition de Macha Makeïeff
Jusqu’au 12 mai au Mucem
7 promenade Robert Laffont (esplanade du J4) 13002 Marseille.