Comment est née l’envie d’ouvrir une cave à vin ?
– Nominoé : Ancienne sommelière, je voulais ouvrir mon propre lieu sur un format plus adapté à mon âge (rires). La cave à vin s’est imposée comme une évidence. J’aime les gens et je voulais continuer à avoir ce contact avec la clientèle, leur faire découvrir les vins auxquels je crois. Je ressentais de plus en plus le décalage entre la vie quotidienne des vignerons dans le rural et la consommation urbaine dans le monde de la gastronomie. J’avais envie d’une relation plus épurée. Ici, je peux prendre le temps de comprendre dans quel état d’esprit est le client, ses envies, pour quelle occasion il est là. Faire découvrir les différentes ivresses du vin que je défends, des micro-productions souvent sans soufre ajouté.

Tu parles des vins que tu défends…
– Nominoé : Oui, le vin de ceux qui sont humbles à l’égard de la nature. Ceux qui ne cherchent pas à la dominer, mais à l’accompagner. Ceux qui cherchent toujours des solutions naturelles face aux aléas. Des vignerons qui ne se sentent pas surpuissants, mais font en sorte que la vigne trouve son chemin, quand bien même la production est minuscule. Un travail artisanal où les mains sont l’outil principal aussi bien dans les vignes que pendant la vinification. Des gens avec qui, humainement, j’ai eu un déclic, au-delà de leur talent, surtout des rencontres. Je pense aux vins de Jean-Christophe Garnier que j’ai redécouverts récemment un soir avec une amie … une palette arrive !

Grenadine, comment l’as-tu pensé ?
– Nominoé : Je voulais un lieu qui me ressemble, lumineux, coloré et joyeux comme Marseille. Grenadine, c’est une référence à l’univers enfantin, à l’idée d’un vin qu’on sirote, un souvenir de mon enfance aux Antilles. Venir chez Grenadine, c’est comme embarquer pour une destination. Depuis mes 6 ans, je feuillette plein de magazines de déco, cela m’a inspirée… Étagère en bambou, bleu Majorelle pour la petite cour, grand banc à l’esprit grec : j’ai tout choisi, jusqu’à dessiner l’armoire en bois qui abrite les vins. J’ai pensé à un espace de partage et d’échanges, mais surtout à un lieu ouvert, qui n’intimide pas. En cuisine, pour accompagner les vins, je fais de petites assiettes simples à l’esprit méditerranéen avec des classiques comme une focaccia, anchois marinés, citron, huile d’olive, noisettes.
Endoume… Choix ou heureux hasard ?
– Nominoé : J’ai visité 20 locaux un peu partout dans Marseille, puis j’ai trouvé cette annonce sur Leboncoin. C’est la lumière et le côté traversant de l’espace qui m’ont séduite. L’important pour moi, c’était de pouvoir m’insérer dans un écosystème avec une vraie dynamique de quartier, et c’est ce que j’ai trouvé ici. La force de Marseille, c’est la richesse de ses commerces de proximité indépendants. Plus on en sera fier de cela, mieux ça résistera. C’est précieux !

Pour toi, Marseille c’est…
– Nominoé : Une ville de passage où tu peux venir d’où tu veux sans avoir à justifier ta présence. J’ai grandi entre la Corse et les Antilles, vécu à Londres et à Paris, je devais sans cesse me justifier « d’ici ou pas d’ici ». Dans cette ville, j’ai trouvé un espace apaisant face à la mer où tu peux être d’un peu partout et un peu comme tout le monde !
Comment définirais-tu l’approche des Marseillais en matière de vin ?
– Nominoé: Rafraîchissant ! Ils mettent leurs mots. J’aime, j’aime pas, mais jamais prétentieux. Ils cherchent le plaisir, le partage, les choses simples. Ça me rappelle Londres où on boit des quilles du monde entier sans avoir forcément une grande culture du vin. Là-bas, les locaux ont cette facilité à poser des mots ou à faire des parallèles avec la bière ou le cidre. C’est quelque chose qu’on a l’habitude de consommer en toute décomplexion et déculpabilisation. Juste du kiff !

Femme entrepreneure, qu’est-ce que cela t’évoque ?
– Nominoé : Tout est compliqué, mais tout est faisable ! Il faut y croire, s’organiser et surtout dormir (rires). Si Grenadine existe, ce n’est pas parce que j’étais une femme, mais parce que j’ai décidé que cela allait se faire. Peut-être qu’en tant que femmes, on fait vivre l’accueil différemment, avec plus d’humanité et de bienveillance, et qu’on possède cette capacité à installer des relations plus solides et durables. Pour la petite histoire, avant Grenadine, le lieu était un dressing tenu pendant plus de dix ans par une sacrée entrepreneuse, Amalya, une personnalité ! Une part de moi pense qu’elle n’était pas obligée d’accepter mon offre, mais que si elle l’a fait, c’est parce que cela faisait sens pour elle. Nous nous sommes retrouvées sur les valeurs.
L’automne vient de pointer le bout de son nez, quelles quilles nous recommandes-tu en ce moment
– Nominoé : L’arrivée de l’automne me donne envie de vin enveloppant ou de champagne vineux ! C’est drôle, je viens de faire un inventaire et j’ai retrouvé des bouteilles, qu’avec le recul, je pense avoir « volontairement cachées » : Les pouches 2021 de Sylvain Dittière à Saumur, un chenin de Loire façon « bon gros câlin ». Les Chazaux de Nicolas Jacob dans le Jura (un chardonnay). Stefano Amerighi en Toscane à Cortona (la seule appellation en Italie où c’est la syrah qui est maître).
Grenadine Cave à Vin
47 rue d’Endoume, 13007 Marseille.