Il y a quelques mois ouvrait Provisions, rue de Lodi à Marseille. Un mot oublié qui nous évoque une autre façon de faire les courses. Dans cette adresse qui abritait une librairie internationale depuis trois générations, Jill Cousin et Saskia Porretta on réunit tout ce qu’elles aimaient – des bouquins, des fleurs, du vin, des produits d’épicerie… Avec la rigueur d’une sélection au cordeau et l’âme d’un endroit qui reprend vie entre les bonnes mains, le charme opère à merveille.
Rencontre avec les deux jeunes femmes qui, après le succès du Collectif Hors Champs pour lequel elles travaillent depuis deux ans, se sont lancées dans cette nouvelle aventure avec goût et détermination.
– Comment est née l’idée d’ouvrir un lieu à vous ?
L’envie d’ouvrir un lieu est venue avec la découverte de ce local sur lequel nous sommes tombées un peu par hasard. Cette ancienne librairie internationale était restée dans la famille Maurel depuis 1952 et c’est en visitant cet endroit chargé d’histoire que toutes les idées sont venues naturellement.
– Que trouve-t-on chez Provisions ?
Le côté librairie, pour respecter ce qui avait été fait auparavant, y compris dans sa dimension internationale puisque nous avons des livres en anglais, en français et en italien, et bientôt dans d’autres langues encore. Notre sélection réunit des ouvrages autour de l’alimentation, l’agriculture et la transition écologique. On baigne toutes les deux de par nos métiers actuels et passés, dans ces milieux. Le volet épicerie et caviste était aussi une évidence en conservant le mobilier d’origine avec toutes ses niches et ses étagères en bois. Et puis on a eu envie de créer un lieu avec tous les produits qu’on adore comme les fleurs d’Arles de Marie, notre collaboratrice depuis les débuts de Hors Champs – le collectif que nous avons créé avec d’autres bénévoles il y a deux ans… Tout ça s’est imposé par la force des choses. Il n’y avait pas de fleuriste local à ce moment-là à Marseille. Marie est plus horticultrice que fleuriste, parce qu’elle cultive ses propres fleurs chez elle près d’Arles. Elle s’est rendue compte, il y a trois ans, que 80% des fleurs en France venaient de très très loin. Elle a alors commencé à créer une petite ferme florale devant chez elle qui commence à grandir et qui lui permet d’être quasiment autonome en fonction des saisons. Pour le reste, elle ne source qu’en local et chez des gens dont les pratiques sont en phase avec sa façon de faire.
– De quelle façon sélectionnez-vous vos produits ?
On ne voulait pas se mettre dans une case en disant : on ne fait que du local ou du bio. C’est d’abord une question de bon sens. Et finalement, en regardant les produits, on réalise qu’ils sont plus que bio. Chaque produit de France, nous l’avons choisi parce qu’il vient d’un producteur que nous connaissons. On s’autorise sans aucun souci à aller prendre des pâtes en Italie, des olives de Kalamata en Grèce… Mais sans être dans le déni non plus et en restant quand même très sensibles à la dimension locale. Notre priorité est d’aller chercher nous-mêmes les produits et de rencontrer les gens derrière chaque production. Dernièrement, nous sommes parties en Drôme Ardèche avec un petit camion et nous sommes revenues ici avec le plein de produits et de belles rencontres. On veut faire des tournées de producteurs tous les trois à six mois, dans une région différente pour renouveler notre offre. Provisions n’est pas forcément une épicerie du quotidien, et n’a jamais eu cet objectif, il y en a suffisamment de très bien dans le quartier. Ici, c’est une destination pour se faire plaisir ou pour faire plaisir à quelqu’un. On peut venir pour s’acheter un bouquet, compléter par une bouteille et pourquoi pas prendre un livre en cadeau. On aime qu’il y ait toujours une raison de venir avec chaque semaine une ou deux nouveautés à découvrir. Nous tenons aussi à ce qu’il y en ait pour tous les budgets, avec une sélection qui reste pointue mais pas dans le sens élitiste du terme.
– Comment a évolué le collectif Hors Champs depuis son démarrage ?
Maintenant, nous sommes un dimanche par mois à St Victor et c’est gratifiant de voir les gens revenir avec plaisir. Depuis le début, notre approche est très citoyenne. On a créé ce projet avec des bénévoles, que des femmes (par hasard) ! Et nous sommes hyper rigoureuses sur le choix des producteurs, avec une éthique et une charte que nous appliquons scrupuleusement. On ne cède pas à la facilité et on tient à rester dans notre ligne directrice malgré la pression du public qui aimerait que l’on s’agrandisse en accueillant plus de stands. La prochaine étape pour Hors Champs pourrait être de s’essaimer dans d’autres quartiers de Marseille sans pour autant se poser avec nos gros sabots. On fera tout pour que ça reste inclusif, avec une offre adaptée au public nouveau que l’on pourrait toucher en changeant d’endroit.
– Pourquoi avoir choisi d’ouvrir Provisions seulement deux jours par semaine ?
En ouvrant le vendredi et le samedi, nous avons le temps d’aller toutes les deux chercher de nouveaux produits et de continuer nos autres activités. Quand Provisions n’est pas ouvert au public, nous venons pour y travailler. C’est notre bureau. Une liberté qui nous a paru essentielle et qui sera peut-être le secret de notre longévité ! Nous programmons aussi des événements régulièrement, des dégustations, diners, lectures… On aime recevoir et, ici, on le fait très naturellement. Rassembler les personnes très ancrées dans ses secteurs est une des raisons d’être de cet espace.
Provisions
95 bis rue de Lodi, 13006 Marseille
Ouvert vendredi et samedi, de 9h à 20h.