De visiter la mer à habiter la mer, il n’y a qu’une brasse, que franchit allègrement l’architecte Jacques Rougerie, à qui la villa Noailles (Hyères) consacre une exposition monographique.
Depuis le début des années 1970, cet architecte océanographe conçoit des habitations sous-marines en collaboration avec des biologistes et des ingénieurs. Il ne s’agit pas d’utopie, mais bien d’anticipation. Il teste lui-même les prototypes d’habitats sous-marins qu’il réalise en recourant à tous les moyens possibles et inimaginables. Il vit avec la mer et sous la mer. Il participe même au record du monde dans un habitat sous-marin durant 71 jours aux Etats-Unis, en 1992. La mer est son mode de vie ; il souhaite le partager. Son projet mérien (opposé à terrien) s’élabore à toutes les échelles, celle du corps, du vêtement, de l’habitat et de l’urbanisme sous-marins.
Qu’ils soient sur ou sous l’eau, les projets de Jacques Rougerie déplacent le référentiel d’une architecture vouée à l’attraction terrestre. On retrouve ainsi dans les espaces d’exposition de la villa, ses projets allant de l’Archéoscope pensé pour le Golfe de Giens à Hyères, à la maison sous-marine Galathée pour Osaka ou encore le projet phare SeaOrbiter : Station Internationale Océanique, à l’instar de la Station ISS. Leurs formes, inspirées des caractéristiques du vivant (seiche, hippocampe etc.), représentées à la manière de bandes-dessinées, évoquent la science-fiction dans son sens le plus direct : une fiction scientifique où les humains ont quitté la Terre pour une vie liquide ou spatiale.
L’exposition présente de nombreux dessins originaux provenant des archives personnelles de Jacques Rougerie, certains présentés pour la première fois, ainsi qu’une collection de ses maquettes, dont celle d’un village sous-marin empruntée aux collections du Centre Pompidou. De nombreux dessins imprimés sur voiles renforcent l’effet presqu’irréel de ces réalisations. Entre dessins animés futuristes et les repères des méchants de James Bond, l’exposition nous fait naviguer au-delà du réel. On hésite parfois à départager ce qui est de l’ordre de l’imagination pure ou de la réalisation.
À travers une sélection de projets, les commissaires, retracent le parcours de Jacques Rougerie, depuis ses premières expériences des années 1970 jusqu’au techno enthousiasme des années 2000 et dans une continuité avec Sophie Rougerie et Emmanuel Dujardin à travers leur Agence d’Architecture Rougerie + Tangram. Ils sont notamment les architectes de la Marina Olympique à Marseille pour les JO 2024.
À travers les créations de cet architecte visionnaire, la conquête de la mer continue d’incarner un incroyable terrain de jeux pour l’imagination.
L’exposition « Habiter avec la mer » est visible jusqu’au 12 mai 2024 à la villa Noailles – Clos dit Saint-Bernard (Hyères) – gratuit.